L'ALBUM PHOTO de cette rencontre 100% polynésienne |
Racontons donc ce farereiraa.
On avait donné RDV
à nos invités après le déjeuner, mais ils étaient pressés d’arriver et c’est en
avance qu’ils étaient déjà sur le chemin. Pas le temps de sortir la conque qui
devait les devancer car Paul Pere était encore entrain d’ouvrir les cocos qui
venaient de nous être livrés. Mais sur la plage,
on s’activait à couronner tout le monde grâce aux couronnes de auti qui avaient
été préparées par Vairea Teissier et Denise Vigneron. Cette manière
d’accueillir simplement et dans la
tradition les peuples amis était une première pour notre association.
Heureusement que nous avions vu grand car grande était la communauté qui
s’était déplacée. Nous avions préparé plus de 100 couronnes ce qui nous permet
d’évaluer les participants à 150 personnes environ.
Comme prévu les
navigateurs ont été placés les pieds dans l’eau pour, symboliquement faire
remarquer qu’ils venaient d’effectuer un voyage en moins d’un mois de 5000 km
environ. Puis l’accueil rapide du
président de l’association a laissé la place à un orero.
Un orero dans la tradition
Comme dans le
quartier de la Pointe des Pêcheurs de nombreuses grandes familles tahitiennes
résident encore, nous avons demandé à la famille Teave d’être responsable du
orero d’accueil et au fare putuputuraa des chants et hymnes
spécifiques de Punaauia.
Vairea Teissier et Nohovai Teave, en costume |
Les
femmes du gare putuputuraa ont ensuite entonné des chants connus de tous. La communauté se
retrouvait ainsi unie dans cette manifestation unique. Les invités l’ont bien
compris car c’est par le chant qu’ils ont tout de suite répondu eux aussi.
Alors que la barrière de la langue empêchait la plupart de communiquer, c’est
par le chant que s’est établi le contact de ces deux peuples amis et de même
culture. Le
farereira, cet accueil entre famille s’est ensuite poursuivi.
Le discours et sa traduction
Le
président de l’association s’est ensuite adressé en tahitien aux Hawaiens et il
a été traduit par James Pouant. Vous pourrez lire ce discours en bas de page.
Le partage de coco
Tout
le groupe s’est ensuite déplacé pour recevoir des rafraîchissements. Après les orages
qui avaient lessivés les différents
défilés des manifestations de l’autonomie la veille, nous avions craint
un temps couvert voire pluvieux, mais ce jour-là les dieux étaient avec nous.
Le maraamu s’était levé pour chasser les nuages et il faisait un temps
magnifique. Ouvrir des cocos
pour autant de monde était le travail principal du président de l’association
et distribuer des boissons offertes par notre partenaire la Brasserie de Tahiti
était la tâche de sa secrétaire. Ils ont été secondéspar les
nombreux membres de l’association présents. Les guitares et les
chants des Hawaiiens ont permis de poursuivre cet échange culturel. Trois
danseuses nous ont aussi proposé un hula et ce moment improvisé a été très
apprécié.
L’adoption d’un corail
Notre
association avait tout préparé pour faire adopter un corail aux deux capitaines
des pirogues. Hokulea et Hikianalia représentent
donc tous les navigateurs auxquels nous demandons de prendre soin de leurs
coraux. Nous leur avons confié un certificat en anglais pour qu’ils entrent
dans ce projet.
Ce
fut une grande préoccupation de mettre en place ce projet. D’abord il a fallu
construire des tables de bouturage. La Direction des ressources marines et
minière du pays nous avait prêté une table ce qui nous a permis d’en donner des
plans à un habitant du quartier. Denis
Williams a donc construit trois tables de bouturage que nous avons payées avec
la subvention municipale. Puis les ancrages écologiques ont été posés et
offerts par Josselyn Barret, importateur de la société Tai Moana qui a été
conquis par notre projet. Et surtout merci à Charlotte Mitermite et son maître
de stage Romain Vivier du bureau d’études Fenua Environnement qui a bouturé les
coraux dans le cadre de son stage et pour valider son diplôme de l’Université
de Tahiti.
Le matériel pour les tables de bouturage a été fourni exceptionnellement et par faveur et pour un prix aventageux par le Chantier Naval du Pacifique Sud (CNPS) dont Stéphane Perez est le directeur général. Nous le compterons désormais comme un membre bienfaiteur.
Le matériel pour les tables de bouturage a été fourni exceptionnellement et par faveur et pour un prix aventageux par le Chantier Naval du Pacifique Sud (CNPS) dont Stéphane Perez est le directeur général. Nous le compterons désormais comme un membre bienfaiteur.
Les cadeaux de bienvenue
Pour
montrer notre partenariat avec le musée de Tahiti et des îles qui est le
gardien de l’histoire des peuples polynésiens, nous avons ensemble fait un don
afin que l’équipage diffuse nos projets associatifs. Vairea Teissier et Moevai
Caspar ont offert des cartes postales représentant les plus beaux objets du
musée et 10 exemplaires de la carte
topographique qui a été dressée de ce lieu prestigieux qui va de la côte aux
montagnes en suivant la rivière de la Punaruu. L’association a, quant à elle,
offert ce qu’elle a réalisé à l’équipage : 10 T-shirt et 10 brochures qui contiennent son projetéco-citoyen en plus de son logo autocollant.
Le
représentant de l’équipage s’est alors levé pour offrir un souvenir à
l’association. Paul Pere a été choisi pour le recevoir au nom de
tous. une belle photo des deux pirogues, signée par les membres de l’équipage et une carte de la navigation avec les étoiles, les oiseaux, les courants et la
houle, c’est à dire la manière dont la pirogue Hokulea navigue sans utiliser
les instruments modernes de navigation.
Nager vers son corail
Bon
nombre des invités voulaient nager puisqu’il était prévu qu’ils pourraient
aller voir leurs coraux dans leur élément. Avec leurs palmes, leur masque et
leur tuba ils ont suivi Charlotte. Certains voulaient aussi goûter au surf de
notre spot Sapinus mais nous n’avions qu’un boogie à proposer.
C’est ainsi que s’est terminée la rencontre.
Discours d’accueil traduit et adapté en anglais par James Pouant
I’m going to translate for you in English, what Mr Paul Pere has just
said in Tahitian.
I presumed you understood that he has first said « hello and
welcome» in the local language. It might be interesting for you to know that.
the greeting word he
used « Ia ora na » comes from the English « Your honor ».
Imagine English-speaking navigators like you arriving on a beach and saying « Your honor » to a
Tahitian chief like Paul who understands « Ia ora na » which means
for him « Be in good health ». He would certainly be surprised and
happy to discover that the visitors were concerned about his health. That was,
one of the first cultural misunderstandings !
In those ancient days, it was also deemed necessary to invent new words
to say « thank you , good-bye or please » because these marks of
politeness don’t exist traditionally in Tahitian. Yet, local people had and
still have, other ways to be polite and courteous : by rubbing noses for
example or saying « Haere mai tamaa » ( come and eat) to visitors
passing in front of their houses.
I knew in advance what Paul was
going to talk about or else it would had been tricky for me to translate
exactly his speech. I can understand Tahitian and hold a ordinary conversation
with my neighbours, but being the Official Interpreter is another
business !
I won’t bother you with the details
of his legends and his « orero ». I know that your time is limited
and I think I’ll just let you know that his legends are authentic. He has inherited
them from his grand-father. He says that they are not the softenend and
edulcorated forms imposed by the missionaries who eradicated what they
considerated too vulgar or pagan.
You can ask him later for the
details if you want. Though, as the Official Interpreter of the day, I will
just let you know that in his legends, a peak or a pointed mountain is always a
penis and that a crevice or a fissure is always a vagina.
In his speech, he has also talked to
you about the site where we are gathered just now. Its local name is
« Nuuroa » which means « moves a lot ». Surprisingly, there
is nothing sexual or erotic about that word ! It just means that the coast
line changes according to the mood of the sea. Sometimes, it deposits sand and
stones and then, it removes all that it had built, when it gets angry.
Nuuroa is called « Pointe des
Pêcheurs »in French (Fishermen’s Point). With its land point and its coral
reef almost touching and forming a sort of interior lake and with its broad
pass nearby, the place is reputed to be abounding with fish.
Paul has also told you that Nuuroa is an
historical site. There was a royal marae right here. It was called
« Taputapuatea » like the famous one that you have visited in
Raiatea ; but here, after its destruction ordered by the missionaries to
impose the new god, it has not been renovated. All the rocks and boulders that
you can see scattered around, on the land and in the sea, come from that
ancient marae. You certainly already know that a marae is a sacred platform, a
temple of the ancient Polynesian religion. Nowadays, on the spot of the marae,
there is not a church built by the missionaries but my swimming-pool !
During his trip around the island,
in 1777, James Cook was invited to attend a human sacrifice ceremony at this
marae. In the account of his trip, he doesn’t precise which part of the human
body he was offered to eat. One does not know if he was offered an eye which
was the treat generally reserved for chiefs and dignitaries or just a bony foot.
Paul has explained that eating an ennemy is not only to ingest proteins but
essentially acquire his mana (power).
In 1815, Nuuroa was also the site of
the battle of Fei Pi iwhich could have been just one more tribal war but the
particularity of that one, was the fact that one of the belligerents, Pomare, a mere tribal chieftain fought with
the help of firearms lent to him by the missionaries. Of course, he was
victorious over warriors who had only clubs and spears as weapons. After his
victory and his conversion to the new religion, he became King Pomare the First,
King of Tahiti and Moorea. He was a smart guy, wasn’t he !
It is also here that the first bible
was printed in 1838. The name of the place was then « Burder’s Point ».
After the legends and the history of
Nuuroa, Mr Paul Pere has talked to you about our association which has the
honor to welcome you today. Its name is « Tamarii Pointe des
Pêcheurs » which means « the Children of the
Fishermen’s Point ».
Paul is one of the founding fathers. Our
association started with four fishermen gathered under this purao tree in front
of you, to discuss and organize :
-
the trading
of troca shells
-
the use
of fishing nets and the size of the meshes to catch the « ature » in
the pass (Tahitian sardines )
-
the solution
to the conflict between the scuba tank divers and the speargun fishermen using
the same spot.
Today Mr Paul Pere is still president, but he has become a member of
the City Council and our association has evolve to be concerned by the protection
of the environment and especially the lagoon. To date, our association counts
210 members. With funds granted by the town of Punaauia, the territory of
French Polynesia, the metropolitan French government and even the European
authorities, our aims are to pursue and develop various actions.
The one in progress just now is to
collect, plant and grow coral. In the near future, we’ll develop the production
of pahua clams ans later when we have the necessary money, we’ll breed fish
that will be released in the lagoon for repopulation.
You are now invited to become the
godparents of a coral branch, which will grow on one of our tables and later
will be transplanted into the lagoon for renovation. Thanks to Internet and
GPS, we’ll keep in touch and you’ll regurarly get news from your coral. You are know welcome to ask
questions and return our salutations.
Have a good time in Tahiti ! Ia ora na and maeva again.
Commentaire de Francine
Cela n’est pas
facile de mener un projet pareil. Non seulement il faut convaincre tous les
partenaires du bureau mais aussi construire un projet digne d’un accueil. C’est
grâce à Vairea que celui-ci a été bâti car on n’improvise pas un farereiraa. Notre président est
assez insaisissable aussi et il lui a été difficile de suivre le projet,
d’accueillir les invités avec le pu représentant le symbole de notre
association par exemple. C’est Tilda
Teharuru qui a permis ce rapprochement avec les personnes du quartier et qui a
convaincu la famille Teave et les femmes de la paroisse. Pour ce qui est des cocos à boire ils devaient
être descendus d’un cocotier bien gênant mais on nous les a offert venant d’un
lieu décocoté et nous en remercions Michel Arakino qui viendra plus tard chez
nous sur la plage.
Tout s’est donc
miraculeusement fait au dernier moment comme c’est très souvent le cas à
Tahiti. On avait presque l’impression que nous improvisions une rencontre
préparée depuis un mois. Avec de nombreux messages Internet les participants ont été réunis et ont répondu
à l’appel. Les média aussi se sont déplacés. TNTV et Polynésie 1° sont restés
tout l’après-midi mais quelques minutes seulement sont passées au journal du
soir. Seul le journaliste Teariki de Tahiti-Infos est resté et a écrit un long
article pour la version internet et bien illustrée de son organe de presse.
Commentaires de James
Ce mardi 1° juillet
2014, notre association a eu l’honneur d’accueillir les navigateurs de la
pirogue Hokulea. C’était un voyage historique et culturel. C’était pour les
Hawaïens un retour aux sources puisque c’est de Tahiti que sont partis les
premiers colons pour peupler toutes les îles de la Polynésie. Sur leurs
pirogues doubles ils naviguaient dans la triangle polynésien dont les trois
sommets sont Hawaï, l’île de Pâques et la Nouvelle Zélande. Ces intrépides
navigateurs étaient à l’aise dans cette immensité océanique à une époque où les
Européens se contentaient de naviguer dans la mer Méditerranée ou de faire du
cabotage le long des côtes de l’Atlantique.
Mais
après être devenus Américains, convertis au christianisme et aux hamburgers, certains
Hawaïens sont aujourd’hui à la recherche de leur culture. Bien évidemment, revenir au pays d’où étaient partis leurs
ancêtres s’imposait. Déjà
en 1976 une première pirogue nommée aussi Hokulea avait fait la traversée
Hawaï-Tahiti. Le succès populaire avait été immense. Il y avait 15000 personnes
pour les accueillir sur la plage de Paofai. Aujourd’hui,
l’engouement populaire a été moins grand ; sans doute parce que la
démonstration qu’effectuer la traversée sans utiliser des instruments de
navigation modernes avait été faite. L’objectif
de ce nouveau Hokulea est un peu différent. Certes ils ont aussi soit disant
navigué de façon traditionnelle et sont venus rencontrer leurs cousins
tahitiens ; mais ils ont aussi pour projet de faire le tour du monde en
colportant la bonne parole de la défense de l’environnement planétaire.
Dans un premier
temps, j’avais refusé de participer à l’accueil de ces navigateurs pour les
trois raisons suivantes :
1°/ Je partage les doutes de ceux qui pensent,
comme pour leur première venue en 1976, que pour tracer une trajectoire aussi
droite entre Hawaï et Tahiti, les navigateurs n’ont pas dû utiliser que les
étoiles, les courants marins et le vol des oiseaux. Je soupçonne qu’ils ont
utilisé un GPS même s’il se trouvait sur la pirogue accompagnatrice. Alors
pourquoi serais-je allé accueillir des tricheurs ?
2°/ Les Américains qui sont avec les Chinois
les plus grands pollueurs de la planète sont mal placés pour venir nous donner
des leçons de savoir-vivre écologique.
3°/ Quand moi, je visite les U.S.A. ou un
autre pays anglophone, personne ne m’accueille dans ma langue maternelle. Même
pour faire mes courses dans les magasins, je dois me débrouiller seul avec mes
rudiments d’anglais.
Finalement, j’ai
trouvé satisfaisant qu’ils soient accueillis en tahitien avec moi en arrière-plan
comme traducteur parce que quand même nous sommes courtois et polis. De plus,
ces Américains-là se sont avérés être de jeunes Hawaïens écologistes du genre
Greenpeaceurs et Greenpeaceuses. Ils méritaient notre soutien. Seuls mes doutes
sur l’authenticité de leur navigation subsistent. Dans ma traduction,
je me suis autorisé à faire quelques digressions pour atténuer la solennité de
l’événement. J’aurais même pu leur dire que j’avais partiellement reconstruit
le marae Taputapuatea sous forme de muret pour empêcher la mer d’envahir mon
jardin et de remplir ma piscine. Comme je suis natif du Poitou, j’aurais pu
leur dire que j’avais construit un « marae poitevin ». Je ne suis pas
sûr que ces jeunes Hawaïens auraient compris mon jeu de mots. De plus,
ignorants notoires de la géographie de la France, ils étaient trop sérieux et
trop formatés pour apprécier toutes mes petites vanouses.
En conclusion, je
dirai que l’accueil de Hokulea à la Pointe des Pêcheurs par notre association a
été une opération réussie et je suis content d’y avoir participé. Elle a
valorisé la langue et la culture tahitienne. Elle a mobilisé et sensibilisé les
habitants du quartier. Enfin, elle nous a donné une dimension internationale de
« jardiniers du lagon ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire